Au pays du Gouverneur Chasse-Carbure, on ne rêve pas, on ne dort pas. On s’active, on produit, on accélère… Or Toutti, dix ans, s’endort n’importe où, n’importe quand. Sa mère, Madame Patamode, désespère. Toutti, dormeur impénitent, risque en effet d’être chassé du pays, comme tous les Eléments d’Inutilité Publique. Et qu’adviendra-t-il alors de lui ?

Un jour, arrive ce qui devait arriver. Toutti est convoqué manu militari au Palais du gouverneur Chasse-Carbure…

A la croisée du merveilleux et de la science-fiction, Le Métronorme est une fable politique qui met en scène un enfant qui n’a que son sommeil à opposer à la folie du monde.

2012 L’Embellie Cie
Mise en scène : Stéphane Boucherie.
Avec Marie-Pierre Feringue, Jules Jorda, Sylvain Pottiez.

le pÊcheur-qui-passe-et-qui-repasse – T’es Toutti ?

Toutti- Je te connais ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse – Si on veut.

Toutti – Tu me rappelles quelqu’un. Pourquoi tu trimballes des coquillages ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - C’est beau.

Toutti - Ça sert à quoi ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - A rien. Pour ça que c’est beau.

Toutti - Tes coquillages,  ils sont comme mon père, des beaux-à-rien.  (Temps) Tu viens de loin ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - J’étais là. Juste là. Tout près.

Toutti - Mais avant ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Je ne crois pas non. Je reste toujours près de moi, comme ça je ne suis jamais très loin.

Toutti - Un pêcheur, ça voyage.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Ça pêche surtout.

Toutti - Peut-être qu’un jour tu as croisé mon père ? Il pêchait. Surtout des estroupiaux. Mais pas beaucoup. Tu pêches quoi, toi ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Des coquillages, des nuages, des visages…

Toutti - Que des trucs en ages ? Toi alors, faudrait pas que ma mère elle te voit, parce que comme beau-à-rien, j’ai l’impression qu’on ne fait pas mieux ! Tu ne serais pas pote avec Chasse-Carbure non plus.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Tu crois ?

Toutti - Note, moi je ne suis pas mieux, je ne fais que dormir. Je n’arrive pas à me retenir.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Le monde est mal fait.

Toutti - Pourquoi ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Tu ne trouves pas ?

Toutti - Si. On n’a qu’à en faire un mieux.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Je suis trop vieux.

Toutti - Moi, je ne connais pas beaucoup de vieux qui s’amusent à pêcher des coquillages, des visages, et des nuages.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Je ne m’amuse pas. Je cherche.

Toutti - Qu’est-ce que tu as perdu ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse – Le sommeil

 Toutti - Ça peut se perdre le sommeil ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Faut croire.

Toutti– Et ça se pêche ?

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Sait-on jamais…

Toutti – Tu n’arrives plus à dormir…

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - C’est ça.

Toutti - Le monde est mal fait.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Je te le disais.

Toutti -Je pourrais te donner un peu du mien.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Je crois qu’on a chacun le sien.

Toutti - Ma mère, elle dit qu’il faut tout partager.

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Il y a des douleurs qu’on ne partage pas. On se débrouille tout seul avec.

Toutti – Ton sourire là…

le pÊcheur -qui-passe-et-qui-repasse - Oui ?

Toutti - Non, rien.

Le pêcheur passe.

Toutti - J’ai envie qu’il revienne. Lui, il ne m’ennuie pas. Il ne fait pas de bruit, il ne fait pas peur. Et il sourit. J’aime bien les gens qui sourient. Même s’ils ont des moches dents. Un sourire, c’est du calme au-dedans. J’ai envie qu’il revienne.