« Moi, toi, mon moi, ton toi, ton toi à toi et pas à moi, mon moi à moi et pas à toi…
À peine commencé, c’est déjà compliqué... »
« Moi, toi, mon moi, ton toi, ton toi à toi et pas à moi, mon moi à moi et pas à toi…
À peine commencé, c’est déjà compliqué... »
Le texte, initié par Laure Rungette (Théâtre du Champ Exquis, Scène conventionnée art, enfance et jeunesse, avec l’Aide du Plan de Relance DRAC Normandie), s’est d’abord intitulé Et la mer se retire.
Il a ensuite grandi sous le nom Un lacet dans un œillet. Il est arrivé à l’âge adulte avec pour titre : Chère écharpe!
Le texte est en cours de création (novembre 2025) par L’Embellie dans une co-mise en scène de Sophie Mayeux et Sylviane Fortuny.
Chère écharpe, c’est l’histoire de Mam et de sa Môm, qui lui arrive on ne sait d’où ni comment. L’histoire d’une mère pleine de mystères et d’une étrange enfant qui grandit à la vitesse d’un lever de lune. La douce fusion est à peine savourée que déjà vient le temps de la nécessaire séparation. Avec des mots doux ou gros, un enfant-roi, des tartines de confiture, des gros petits cochons qui font effraction, Chère écharpe est un précipité théâtral. En accéléré, s’y tricote la relation entre une mère et son enfant, comme une écharpe, avec des mailles à l’endroit et des mailles à l’envers. Une écharpe qui peut protéger comme étouffer. Gare !
● Création Novembre 2025 par L’Embellie Cie dans une mise en scène de Sophie Mayeux et Sylviane Fortuny. Avec Lumîr Brabant et Florence Masure
● Lecture par les comédien.nes s du Studio ESCA (École Supérieure de Comédien.ne.s par l’Alternance) dans le cadre du 1er Juin des Écritures Théâtrales Jeunesse. Evenement Texto’Mino organisé par les Écrivaines et Écrivains associés du Théâtre.
● Lecture au Théâtre Dunois (janvier 2024) par Lumîr Brabant et Florence Masure
● Lecture au Totem (Scène conventionnée art, enfance et jeunesse, Festival d’Avignon, 2023) par Sarah Carré et Léonie Kerckaert.
● Mise en voix et en mouvement en juin 2023 par Sophie Mayeux dans le cadre du dispositif DRAC « Plaines d’été ».
Apprendre à se déprendre
« Les enfants, ça grandit vite... » À peine au monde, Môm, qui n’a pas sa langue dans sa poche, le sait déjà. Mam et Môm sont mère et fille. Elles l’adviennent sous nos yeux, par la grâce d’une parole performative qui préside à cette co-naissance. Faire famille, c’est de l’ordre de l’évidence joyeuse pour ces deux-là, dont les prénoms se répondent à merveille. Sous l’œil bienveillant de Mam, Môm goûte la vie avec délectation et traverse l’enfance à pas confiants : l’âge des pourquoi, le temps des bêtises et celui où on fait semblant d’être grand.e.s... Mam aussi apprend de Môm : à câliner et à raconter des histoires où il est question de poules, de petits cochons et de Madame la Marquise... Et en prévision du jour où Môm la quittera pour explorer le grand monde, Mam tricote une immense écharpe qui tient chaud. Une écharpe tel un lien filial qu’on rêve éternellement sécurisant et indéfectible. Une écharpe qui risque aussi de devenir une entrave...
Chère écharpe est une pièce en quinze tableaux dans laquelle Sarah Carré saisit avec justesse la nature profondément paradoxale du lien parent-enfant : un lien d’attachement qui se tisse patiemment au présent, dans la chaleur du dedans, pour mieux être délié demain, quand l’appel du dehors sera plus fort. À l’heure où nous sommes sans cesse connecté.e.s les un.e.s aux autres, quand l’ailleurs fait peur et l’autre inquiète, apprendre à se déprendre et à couper le cordon est une tâche difficile. Sarah Carré invite petit.e.s et grand.e.s à faire confiance aux mots pour nous accompagner dans cette entreprise délicate. Précieux, les mots savent chanter le « nous » et le monde. Féconds, ils font surgir ce qui attendait d’être nommé pour exister. Une seule lettre change et « ton toi à toi et pas à moi » se distingue de « mon moi à moi et pas à toi » ! Bien sûr, les mots charrient aussi les peurs qui paralysent, mais ils restent nos meilleurs alliés pour les conjurer et déjouer leur emprise mortifère. Pour qu’il y ait du jeu - au sens d’espace permettant le mouvement - dans nos relations intrafamiliales, le texte de Sarah Carré fait ainsi la part belle au jeu - langagier et théâtral -. Et l’on envie déjà les comédiennes qui auront la chance de s’emparer de cette fable émancipatrice pour incarner Mam et Môm, un duo tendre et vitaminé.
Florence Traisnel, docteure en littérature